Introduction à Ivan Illich
T. PaquotUn incontestable charisme
Un regard pénétrant, un sourire joyeux, un beau visage fin — qui sera ravagé et déséquilibré par
une sorte de tumescence sur la joue droite qui ne fera que grandir au fil du temps. Grand, svelte
(pour ne pas dire « maigre »), droit, Ivan Illich impressionne et suscite physiquement le respect
et la curiosité. Il se lie facilement, parle à tout le monde, riche ou pauvre, « important » ou
quidam, mais peut aussi se montrer exigeant, ironique, mécontent et parfois méprisant.
Personnellement, je n’ai connu qu’un homme charmant et charmeur, ouvert, attentif et
attentionné. J’ai pu le rencontrer grâce à l’entremise de Maud Sissung, sa traductrice tant
appréciée (« Avec une finesse qui ne cesse jamais de me surprendre, Maud Sissung a traduit ces
essais de l’anglais », note-t-il dans son introduction au Travail fantôme [OEuvres complètes, vol.
2 (OC2), 2005, p. 97]). Un jour de 1988, elle m’informa qu’Illich était à Paris et que son éditeur
hésitait à publier ABC. The Alphabetization of the Popular Mind, qui venait de paraître aux
États-Unis. Il est vrai qu’Illich ne suscitait plus les débats passionnés du temps d’Une société
sans école ou de La Convivialité. Il pétillait d’intelligence, raconta mille choses, évoqua de
nombreux auteurs qu’il lisait ou fréquentait. Son regard exprimait la bonté. Son sourire alternait